Juin 2025
Créée en 2005 pour attirer des talents étrangers hautement qualifiés, le régime fiscal dit « Beckham » permet aux salariés venant s´installer en Espagne de bénéficier d’un régime fiscal avantageux pendant six ans : imposition au taux fixe de 24 % sur les revenus du travail en Espagne (jusqu’à 600 000 €), non-imposition des revenus mondiaux (sauf revenus du travail), absence d’obligation de déclarer les biens à l’étranger, et imposition limitée du patrimoine au patrimoine situé en Espagne.
La réforme de 2023, intégrée dans une loi visant à faciliter la création de Startups, a élargi l’accès à ce régime à différent groupes sous condition (principalement : nomades digitaux, administrateur de société, prestataires de services à des startups, époux/épouse/enfant) rendant théoriquement l’Espagne encore plus attractive.
Toutefois, cette ouverture a aussi compliqué la lecture et l’application des critères, créant une zone grise d’interprétation favorable à des conflits avec l’administration fiscale espagnole (AEAT).
A.- Un régime accordé pour mieux être retiré : une pratique administrative récente source d´insécurité
1.- Depuis 2024, on observe une intensification des contrôles fiscaux a posteriori (c´est à dire, postérieurement à l´octroi du régime) à certains bénéficiaires du régime « Beckham ». Ces contrôles ont notamment lieu à Madrid et Barcelone (villes où se trouvent de nombreux de bénéficiaires de ce régime). L’AEAT, lors de ces contrôles a posteriori réalise un examen minutieux de la situation des impatriés et notamment :
a-. Lien de causalité entre le déménagement en Espagne et l’emploi contracté.
b.- Inexistence d’activité réelle des employeurs (structures étrangères sans substance).
c.- Emploi « fictif » si le bénéficiaire est employé par une société qu’il contrôle lui-même.
d.- Activités jugée incompatibles avec le régime Beckham
2.- Ainsi, cette pratique place les contribuables dans une situation d´insécurité juridique préoccupante : un régime accordé formellement peut être remis en cause a posteriori, avec des conséquences lourdes au niveau des sanctions. Le contribuable s’expose à :
a.- Imposition de tous les revenus mondiaux et du patrimoine global.
b.- Requalification au régime fiscal ordinaire (IRPF jusqu’à 47 % ou plus selon les régions) et imposition le cas échéant (selon la région) à l´impôt sur la fortune.
c-. Au paiement d´intérêts de retard et des pénalités élevées.
B.- Une possible saisine des instances européennes
Face à cette pratique, des voies se font entendre (notamment au Royaume-Uni ou de nombreux cas de contribuables britanniques ont été signalés) quant à la compatibilité de la pratique espagnole avec le droit européen, en matière de sécurité juridique, libre circulation des personnes et de traitement fiscal non discriminatoire.
Des voies de recours sont à l’étude :
- Plainte auprès de la Commission européenne pour pratique abusive des autorités fiscales espagnoles.
- Recours juridictionnels pour atteinte aux principes de confiance légitime et de non-rétroactivité fiscale.
- Saisine de la CJUE
Ces initiatives pourraient permettre à terme d´apporter des clarifications quant aux conditions d´octroi du régime Beckham et à son contrôle aposteriori.
C.- Conclusion
a.- La réforme de la Loi Beckham a pour but de dynamiser l’économie espagnole en attirant des profils internationaux de haut niveau.
L´administration de son côté cherche à détecter les cas considérés comme abusifs pour rejeter le régime. En soi, cette intention n´est pas critiquable. Ce qui l´est profondément est qu´elle octroie facilement le régime (en faisant des révisions très succinctes) mais qu´ensuite, a posteriori, elle peut réexaminer les cas de façon approfondie et en pouvant finalement se contredire et rejeter le régime avec effet rétroactif.
Il convient donc de bien examiner tout dossier avant sa présentation à l´administration.
b.- Quelles solutions pour lutter contre cette insécurité ?
Amélioration de la rédaction de la loi afin de bien délimiter les situations litigieuses
Réalisation par l´administration d´un contrôle beaucoup plus exhaustifs au moment du dépôt du dossier afin que le contribuable ait la certitude que si le régime lui est octroyé, il ne pourra pas le perdre a posteriori.
A suivre….